Enquête harcelement

Le “Bonjour” dans le monde d’après

 

La crise sanitaire déstabilise le rapport au travail et la relation à l’autre. Quel impact des gestes barrières sur le bien vivre au travail ? La médiation est une réponse à la résurgence des tensions relationnelles qui résultent du confinement, comme du déconfinement.

 

Des situations de travail déstabilisantes, en confinement comme en déconfinement

Le retour progressif sur le lieu de travail, dans cette période nouvelle post confinement, est source d’appréhensions.

Pour un grand nombre de salariés,  le télétravail continue après le 11 mai ; il s’accompagne d’une « virtualisation » des relations inter-personnelles .  La crise sanitaire efface les repères et déstabilise les modes habituels de communication et d’organisation du travail.

Anticiper les retours, prévenir les risques, décrire les process, former le management dans la prise en charge des situations de tensions sensibles ou critiques, travailler en réseau avec les acteurs médico-sociaux, sont pour les managers et les RH des passages obligés.

L’enjeu est de traverser au mieux la période de réintégration progressive des collaborateurs dans leur environnement de travail.

 

Les difficultés relationnelles au travail atténuées par le télétravail…

Les tensions qui existaient avant le confinement entre collègues, entre salariés et managers, souvent attisées par la proximité physique, se sont peut-être atténuées sous l’effet de la distanciation forcée.

Nécessité fait loi.

Il a fallu s’organiser, s’entraider, faire preuve de tolérance dans ce contexte particulier renvoyant chacun à son humanité, à sa vulnérabilité.

En télétravail, les difficultés relationnelles peuvent passer au second plan, la communication par mail rendant possible l’exécution du travail sans avoir besoin d’entrer en contact. Les échanges à l’oral se limitent alors aux contacts téléphoniques indispensables et aux réunions d’équipe périodiques où les griefs interindividuels sont tenus à distance et noyés dans le collectif.

 

…ou au contraire amplifiées par l’éloignement

Le télétravail ne permet pas d’accéder aux espaces de régulation naturels:  point 5 minutes , pause-café par exemple, dans lesquels on se parle du travail, des incompréhensions, des signaux relationnels faibles annonciateurs de difficultés relationnelles possibles.

Des périmètres de missions que l’on croyait clairs et acquis se fragilisent ; des mails où chaque mot compte triple sont envoyés ; des aigreurs s’accumulent, des prêts d’intention, des présupposés sont vécus comme des certitudes, quand il suffit, sur le lieu de travail, de passer la porte et de se parler.

 

Des marqueurs sanitaires agissant sur la relation

Le rétablissement en mode « réel » des relations , la reprise collaborative des missions et des projets gérés depuis 2 mois par écrans interposés, entraînera des réajustements, comme une remise à niveau.

Progressivement de retour sur le lieu de travail, chacun va devoir réinvestir sa place, son environnement, sa posture et son positionnement dans un collectif encore incomplet ; tout en restant sur le qui-vive quant à la circulation du virus, toujours active.

Pour limiter les risques, chacun va devoir observer rigoureusement des marqueurs sanitaires préventifs indispensables, qui relèguent malgré eux au second plan la valeur du « vivre ensemble » : port du masque, distanciation sociale, limitation des interactions par la rotation des effectifs…

 

Les indispensables gestes « barrière » seraient-ils susceptibles d’élever des herses dans les relations ?

Leur symbolique véhicule, au-delà de leur fonction objective indiscutable, une forme de protection, d’évitement, d’éloignement ; les masques effacent les expressions faciales qui nous permettent de nous connecter les uns aux autres ; ils sont un appel visuel à la prudence vis-à-vis de l’autre et à la défiance vis-à-vis du virus qu’il pourrait abriter. Réussirons-nous alors à associer le port du masque à des valeurs d’altérité et d’empathie ? Nous portons un masque d’abord pour protéger les autres, comme les scientifiques s’emploient à le souligner.

Le « Bonjour » dans les équipes n’est pas qu’une simple politesse. Il a aussi une fonction de reconnaissance et de considération; le « bonjour » est une sorte de curseur de la qualité relationnelle. Je constate en médiation que la façon de se saluer est un irritant récurrent : du bonjour décrit comme altéré, dégradé, artificiel, parfois manipulateur, jusqu’au fait, souvent vécu comme traumatisant émotionnellement, de ne plus se dire bonjour du tout.

Alors à l’avenir, masqués, éloignés les uns des autres, comment va se transformer ce geste d’accueil et d’ouverture et sa fonction de liant social ?

 

La portée, dans ce contexte, de la médiation

Pour prévenir les tensions avant qu’elles ne s’enlisent, pour créer des espaces de parole au bon moment, tant que la communication est encore possible, ou pour apaiser une situation de crise qui s’installe et déstabilise à la fois ceux qui la vivent et leur entourage professionnel, pensez à la médiation.

La médiation offre à vos équipes et à vos collaborateurs la possibilité d’entrer dans un espace de communication spécifique qui permet de revisiter, autrement que par des postures de défense réflexes, les situations difficiles ou conflictuelles.

Le médiateur est un spécialiste du conflit. Dans les entreprises, les organisations, il est appelé quand le terrain émotionnel est à ce point touché, que les situations rationnelles de travail et de coopération ne sont plus possibles ou très fortement dégradées. Par une approche spécifique d’écoute et de questionnement, le médiateur favorise la reprise d’un dialogue ; il permet l’expression et la reconnaissance mutuelle, par les personnes en conflit, des causes non seulement objectives mais également sous-jacentes et non-dites de leurs tensions relationnelles. La médiation contribue au rétablissement de la communication, et ouvre la voie vers des solutions au conflit, satisfaisantes pour chacun et permettant si possible de retrouver une situation de travail apaisée.

ECME/Nathalie MAUVIEUX

Mai 2020